Mémoires du Mouvement Ouvrier

Grève de la SMEN Barentin 1979

La lutte de la SMEN[1] (Barentin)

En 1979 cette entreprise, filiale du groupe Thomson, comprend 915 travailleurs dont 600 femmes. Elle produit des moteurs électriques. A l’intérieur on trouve la fonderie, l’usinage, et des salles de bobinage.

Le pourcentage de syndiqués est assez faible et réparti entre les différentes centrales.

Au moment de la grève il y a 12 chaînes de bobinage à « boni collectif » avec sur chacune 15 à 20 filles. Une remplaçante est prévue, mais souvent occupée ailleurs. Chaque ouvrière porte 9 tonnes par jour. Comme le boni est collectif, et que les temps de pause ne sont pas récupérés, on travaille même pendant le casse croûte, et il n’y a pas d’arrêt de la chaîne.

On compte 4 à 5 accidents de travail par mois, souvent liés à des coupures par les tôles. Les salaires sont proches du SMIC (13,81 Frs de l’heure) avec un minimum catégoriel de 13,13 soit 2280 Frs par mois. Si les cadences sont augmentées régulièrement (en particulier lors de l’installation de nouvelles machines), les salaires eux ne bougent pas.

Le 13 février le Core bonding se met en grève devant le refus de la direction d’accorder 37 centimes d’augmentation de l’heure.

Le 19 février le patron met au chômage non rémunéré les 4 services qui dépendent du Core bonding. Ce service reprend alors le travail au ralenti.

Le 20 le patron reprend son chantage.

Le 21, les travailleuses furieuses envahissent le bureau du patron. Les délégués syndicaux interviennent et se réunissent avec le patron, jusqu’à 21h. Dans l’après midi la grève avec occupation est décidée.

Le vendredi 23 février la grève s’étend. 3 cadres sont retenus . . . un certain temps.

Lundi 26 : journée de négociations, mais le patron voyant des grévistes attroupés dans la cour, rompt les négociations « devant le comportement des grévistes »

La grève avec occupation se poursuit. Des négociations ont lieu le vendredi et samedi 3 mars. Le patron propose 10 centimes de l’heure, ce que les grévistes trouvent notoirement insuffisant.

Lundi 5 mars le patron  (un dénommé Goubet) fait arrêter les cars de ramassage. Cela veut dire que les travailleurs de la campagne (et ils sont nombreux) doivent venir par leur propres moyens

Le patron, pour diviser les travailleurs, appelle les non grévistes à venir le mercredi 7 mars (sans les cars), en leur proposant de leur payer 3h et ½ par jour s’ils viennent chaque matin.

Pendant 2 jours, les non grévistes viendront manifester le matin, avec des renforts extérieurs à l’usine.

Le 19 mars, à 18h les flics expulsent les grévistes. Le soir même, un cortège de voitures  parcoure la vallée de l’Austreberthe pour prévenir la population.

Le 20 mars des débrayages d’usines et d’écoles ont lieu et des délégations vont participer à une manifestation contre l’intervention policière. Des travailleurs de Cessieu, de Létang Rémy, de Révima, de Socomet se solidarisent.

Un comité de soutien organise des collectes qui se révèlent fructueuses.

Le 20 mars au soir, à l’appel du comité de soutien 300 personnes participent à une soirée, à la salle des fêtes de St Pierre de Varengeville.

A partir du 21 cette salle servira aux grévistes pour se retrouver.

Le 22 mars, la CFDT négocie seule avec le patron une éventuelle reprise du travail. La CGT était au courant mais à laisser faire.

Le 23 mars, à l’occasion d’une journée d’action de la CGT, 250 travailleurs se rendent au siège de la société à Courbevoie, mais n’obtiennent rien.

Le 27 mars la reprise est totale, mais les ouvrières des chaînes ralentissent la production de moitié pour montrer leur détermination.

Le lundi 9 avril le patron menace de ne pas donner 75% du salaire comme promis lors de la reprise, si la production continue d’être ralentie.

Une seule chaîne persiste. . .  Finalement le patron accordera une augmentation de salaire dégressive (les bas salaires étant augmentés plus que les hauts) comme le demandait les grévistes.

A propos du comité de soutien :

Celui-ci existait avant la grève. Cette structure est née en juillet 1978 à partir de l’intersyndicale de Cogétéma. Elle rassemblait le parti socialiste, la ligue communiste révolutionnaire et l’association femme de la vallée. Le 12 juillet une manifestation contre les licenciements à la Cogétéma avait été son acte de naissance. Son but « soutenir les luttes contre les licenciements et le chômage dans la vallée de l’autreberthe.

Ce comité s’est ensuite élargi à la section SGEN du lycée Jacquard, à l’association Solidarité immigrés, à l’Union générale des travailleurs Sénégalais et mauritaniens, à l’école émancipée, à la section CGT de la SMEN. Mais sous pression de leur syndicat les 2 sections syndicales ont du se retirer. Les militants sont donc rester à titre individuel.

En décembre 1978, ce collectif a organisé à Pavilly « 6 heures contre le chômage », soirée qui a vu  la participation d’une troupe constituée localement « le théâtre de l’étoupe ».



[1] Brochure SMEN des éléments pour un bilan LCR vallée de l’autreberthe



01/10/2012
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