Mémoires du Mouvement Ouvrier

HISTOIRE DE TROIS DECENNIES d’activité trotskyste au LRBA et à Vernon  (Eure) A partir de 1950

 

Mémoires du Mouvement Ouvrier

 

 

HISTOIRE DE TROIS DECENNIES d’activité trotskyste au LRBA

et à Vernon  (Eure) A partir de 1950

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Vandevoorde, militant de la LCR puis du NPA nous a proposé ce travail qu'il a réalisé. C'est avec plaisir que nous le publions. C'est l'histoire d'un groupe de militants, après la seconde guerre mondiale, pendant la guerre d'Algérie, mais aussi au moment de l'intervention soviétique en Hongrie.

Cette histoire se passe au sein d'une entreprise le LRBA, à Vernon, entreprise à gestion militaire!

 

 

Sources : nombreuses discussions avec Roland Vacher et Jack Houdet séparément, puis ensemble  le 12 juillet 2007 à Louviers, entretiens avec Jean-Pierre Pallois et  Marie-France Ordonez, échanges téléphoniques avec Denis Fimbel le 15 septembre 2007,  avec Jean Bocquet le 23 mars 2015 et. avec Louis Fontaine les 7 et 22 mars 2015 et le 27 février 2017.

R.Vacher, L.Fontaine, J.Bocquet, M-F.Ordonez et F.Malvaud ont relu ce document. Il doit énormément aux  contributions de R.Vacher à chaque étape de son élaboration.

Publié d’abord sur le site « Europe solidaire sans frontière ». Actualisé en février 2017 pour  »Mémoires du Mouvement Ouvrier » à la veille du décès de Jack Houdet. 

Bibliographie:

Sylvain PATTIEU, Les camarades des frères. Trotskistes et libertaires dans la guerre d’Algérie » Paris Syllepse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

POUR UNE HISTOIRE DE TROIS DECENNIES d’activité trotskyste au LRBA

et à Vernon  (Eure) A partir de 1950

Le LRBA (Laboratoire de Recherches Balistiques et Aérodynamiques : désormais fermé, il était situé à 4 km environ de Vernon, sur les hauteurs nord, au milieu de la forêt. Crée à la Libération, il relevait du ministère de la Défense nationale, avec une direction militaire. C’est là que furent conçus les ancêtres de la fusée Ariane. Le site inclut un espace pavillonnaire réservé aux ingénieurs, des baraquements pour célibataires,  un ensemble sportif, des baraquements pour les familles. Il compte alors une bonne centaine d'ingénieurs et techniciens allemands « amenés » de l’usine de missiles V2 de Peenemünde après qu’Américains et Soviétiques eurent fait leur choix. Ils bénéficiaient de nombreux avantages, notamment pour le logement, et d’un statut particulier.

 

 

On trouve là entre 1000 et 1500 personnes, régies  par au moins six régimes différents : de « vrais » fonctionnaires très peu nombreux, des ouvriers d'Etat dotés d’un statut protecteur, des contractuels en nombre, des précaires et les extérieurs. Rassembler tout ce personnel dans les luttes était une tâche pratiquement insurmontable, d’autant que les fédérations syndicales multipliaient les grèves partielles inefficaces.

Les syndicats au LRBA

Il y avait deux syndicats, la CGT dominait dans les ateliers ouvriers, tandis que la CFTC était largement majoritaire dans les laboratoires. La CFTC était dirigée par le courant « Reconstruction» qui militait pour l’abandon des références chrétiennes, ce qui donnera la CFDT. Le secrétaire, Bourdiol, venait de la JOC. C’était une figure haute en couleur, avec des méthodes de type étudiantes comme les monômes (défilés-chahuts) exécutés dans tous les labos et ateliers pour entraîner les gens à faire grève, en braillant des slogans. Tout le monde était inscrit au Conservatoire des Arts et Métiers à Paris, et chaque semaine l'un ou l’autre rapportait  un certificat de présence pour ceux qui n'avaient pu se déplacer. Le travail  était assez libre, chacun pouvait gérer son emploi du temps sous le prétexte de rechercher de la documentation.

L'arrivée de Camille Januel militant troskyste

A l’opposé, la CGT était dirigée par des staliniens bon teint, ouvriers pour la plupart, non qualifiés dans les ateliers, ou qualifiés dans des services annexes comme le garage, la menuiserie, la chaufferie, ou l'entretien ;  ils avaient l'avantage de pouvoir sortir aisément de l'entreprise. Jacq, le secrétaire, très courageux et très peu instruit, régnait paisiblement sur ce petit monde… jusqu'à l'arrivée de Camille Januel qui va transformer petit à petit la section CGT.  Ce militant trotskyste expérimenté (voir annexe), muté disciplinaire de Puteaux, est dessinateur de profession, mais son activité essentielle consiste à tenir des conférences sur tous les sujets imaginables devant un public fasciné qui venait de tout l’établissement pour l’écouter, au point qu’on avait l’impression que le dessin sur sa table était toujours le même. Les Allemands le craignaient car il connaissait leur langue, et ils ne savaient pas trop ce qu’il fallait attendre de ce curieux « communiste ». Comme l’expérience et le prestige de ces  ingénieurs et techniciens étaient grands auprès de la direction militaire fraîchement sortie de Polytechnique mais en position délicate et réservée, Camille  a pu garder une position confortable de « dessinateur » pendant plus de cinq ans.

 

Il a assez vite « gagné » Roland Vacher, technicien radio embauché en 1953, militant catholique, membre de «Reconstruction»  et de la Commission Administrative départementale de la CFTC[1]. Celui-ci passera ensuite à la CGT, emmenant avec lui  un certain nombre de techniciens, catégorie dans laquelle la CGT n’existait guère jusqu’alors. Pour expliquer sa rupture, il donne à ses camarades de l’UD CFDT des explications qui ne suscitent qu’une incompréhension étonnée (« la guerre qui vient » et « la nécessité de défendre l’URSS », selon les thèses de Michel Pablo et de la direction de la IVème Internationale d’alors). Mais au LRBA, l’appartenance politique de Camille et Roland  reste ignorée de tous.

 

Jack Houdet a lui « passé les sélections » pour entrer au LRBA en 1951 à l’âge de 28 ans, « parce qu’il y avait la possibilité de se loger sur le site ». Ouvrier ajusteur hautement qualifié, il travaillait auparavant aux Mureaux (78), logeait chez sa sœur et ne rentrait auprès de sa femme et de ses enfants à Pacy sur Eure qu’une fois par semaine. Rapidement, il prend conscience de la nécessité de défendre les intérêts des travailleurs et devient militant de la CGT. En 1954, il est élu secrétaire-adjoint du syndicat.

 

 

En 56, le secrétaire du syndicat commet un détournement d’argent au détriment de l’UL. Camille dénonce le fait, il est soutenu par les syndiqués qui le portent à la direction par 110 voix sur 115[2]. C’est dans le secteur mécanique de l’atelier guidage (où Jack est un peu l’ancien,  reconnu pour ses compétences et sa droiture[3]), situé juste à côté du bureau de dessin de Camille, que  ses positions politiques trouvent le plus d’écho. De lecture du journal du PCI,  « la Vérité des travailleurs » en discussions, les décisions mûrissent. 1956, c’est à la fois  l’année de la tentative d’expédition anglo-franco-israélienne contre l’Egypte de Nasser, celle de l’insurrection hongroise de Budapest où les conseils ouvriers tentent de s’opposer aux chars staliniens, et celle du basculement de la social-démocratie dans la guerre à outrance en Algérie.


Un jour, sans doute à la suite du vote par le PCF des pouvoirs spéciaux au socialiste Guy Mollet, Jack vient voir Roland et lui annonce : « l’atelier veut adhérer ! ». En fait, ils ne sont que six sur une dizaine (!). C’est Claude Rialland qui a donné l’impulsion : fils de cheminot, élevé pauvrement dans un bungalow bruyant au bord de la voie Paris-Rouen, chaleureux, amoureux de la nature, entier, ce n’était pas un grand politique ni un grand discoureur, mais il avait la tripe militante : c’est sans hésiter qu’il avait accepté d’héberger un déserteur dans sa maison en bordure de forêt (à l’entrée de Vernon en venant de Paris), où souvent avaient lieu les réunions hebdomadaires de la cellule.
  Grand fumeur, grand buveur, il est mort trop tôt, en 72.

 

 

 

Il y a aussi André Morin, Marcel Girard dit « Titi », ajusteur lui aussi. Résident sur place Jack, 33 ans, et Camille, 37 ans, qui sont mariés[4]. Bien conscients des risques que leur fait courir les activités de soutien à la révolution algérienne,  ses camarades mettent un point d’honneur à en tenir Houdet strictement à l’écart, eu égard à ses responsabilités familiales. Louis Bocquet et Louis Fontaine,  fraiseurs, célibataires, ont entre 24 à 26 ans, habitent le même baraquement et sont souvent ensemble. La guerre d'Algérie les avait marqués beaucoup plus que les autres ; Louis y avait été rappelé en 56-57[5].

Roland raconte : «Jack était très différent des autres, qui étaient avant tout des révolutionnaires de coeur prêts à héberger le militant algérien ou le déserteur poursuivi par la police, mais ne ressentant pas le besoin impérieux de se cultiver. Jack avait besoin de s'instruire, d'écrire aussi, mais il avait alors du mal à prendre la parole, si ce n’est pour de brèves répliques. Il était d'une grande timidité et n'osait pas demander. Polyvalent en mécanique, il était très apprécié par ses supérieurs hiérarchiques en dépit de ses opinions affichées. Capable de se représenter les assemblages des pièces mécaniques les plus compliqués dans l'espace et en mouvement, c’était pour lui une torture de rédiger le cahier de revendications qui remontait de tous les ateliers pour le présenter à la direction. Camille n'osait pas lui demander de corriger, mais lorsque j'ai quitté la CFDT pour la CGT, je suis devenu son sauveur. Il peinait pour comprendre tout texte politique comme nos bulletins intérieurs et j'étais souvent incapable de trouver les termes adéquats et des répétitions judicieuses différentes pour l'aider. C'est vrai que notre époque était plus difficile, nous n'avions pas les nombreux livres de vulgarisation comme aujourd'hui, il fallait lire les originaux. Je me souviens combien moi aussi j'ai peiné avec le premier volume du Capital de Marx, en écrivant à la main chaque phrase jusqu'à ce qu'elle s'imprime dans mon cerveau et donne du sens. Camille me réconfortait, en me disant c'est normal, l'écriture de Marx est très difficile... Mais plus tard, quand nous avons sorti notre feuille régulière sur toutes les boîtes de Vernon, c’est lui qui proposait les articles que nous re-rédigions ensemble et souvent c’est lui qui trouvait les titres ».

Une des premières décisions fut de se faire faire un tampon « Cellule de Vernon du Parti Communiste Internationaliste (Section française de la Quatrième Internationale) » à l’imprimerie du journal local, « le Démocrate vernonnais», qui passera souvent leurs communiqués de presse. Jacq, le stalinien évincé, tente sans succès de regagner du terrain en faisant lire aux jeunes égarés « l’histoire officielle du Parti Bolchevique » et « l’histoire de la guerre civile en URSS » ; Camille et Roland  ripostent en truffant les livres en question de fiches de commentaires. Ils font lire eux « L’histoire de la révolution russe » de Trotsky. En fait, le PCF est très faible sur la localité et ils peuvent développer leurs activités sans être inquiétés, y compris par la police qui ne comprend pas ce qui se passe. A 8  sur une ville de 20 000 habitants, tous les terrains sont couverts : luttes offensives au LRBA[6], Union Locale CGT, défense juridique, « cercle vernonnais d’étude du problème algérien », cours d’alphabétisation[7], ciné-club, collages du journal, etc…

L’article ci-dessous, paru dans la« La Vérité des travailleurs » et signé de façon transparente par « Roland », illustre bien ce qu’il en est.

 

 

 

On remarquera la curieuse phrase à la fin sur la présence du secrétaire de l'Union départementale CGT de l'Eure l’UD. C’est qu’en effet ce permanent, Michel Desprès, est alors ébahi puis conquis par le savoir-faire, le dynamisme et la force des arguments de ces militants. Il est remis dans le droit chemin par la Fédé du PCF lorsqu’il comprend que certaines sympathies l'obligeraient à retourner bosser. Il restera donc un bureaucrate de la plus belle eau, fidèle parmi les fidèles, et s’illustrera en 68 et après[8].

Camille Januel représente la cellule à au moins deux séances du Comité Central (qui se tenait tous les 2-3 mois), mais demande vite à être remplacé. C’est Roland, « le moins mauvais parmi les restants », selon ses propres dires, qui accepte de prendre sa place. Les premières réunions se tiennent chez l’un ou chez l’autre, puis à Sandrancourt, dans les Yvelines, mais juste de l’autre côté de la Seine face à Port-Villez, dans un domaine qui est la propriété de la compagne avocate de Camille (et où ont eu lieu aussi des écoles de formation internationales). Les responsables nationaux  se succèdent pour visiter cette extraordinaire cellule ouvrière, à une  heure de train de Paris. Pierre Frank, ancien secrétaire de Trotski et figure principale du PCI, a particulièrement marqué les esprits (plusieurs donnent ce prénom à un de leurs enfants), mais Jack en disait « souvent, on n’y comprenait pas grand-chose, mais on était contents qu’ils viennent nous voir ».

La cellule de Vernon ne se maintient pas à ce niveau très longtemps : si Louis Fontaine accepte en 1959 de devenir le deuxième permanent du PCI mis au service du FLN pour imprimer tracts et faux papiers[9], deux autres arrêtent de militer : André Morin lorsqu’il accepte d’être détaché à la Samm, Marcel Girard en partant travailler pour gagner plus chez Sulzer à Mantes qui venait d’ouvrir. C’est aussi le cas de deux « ouvriers d'origine étrangère » qui ont joué un rôle important, le Tchèque Pekny et Pieckzinski, Polonais originaire d’une zone germanisée, tous deux soudeurs et anciens de la Résistance et du PCF à la Libération; pendant la révolution hongroise en 1956, ils lisaient « la Vérité des travailleurs » et ont été de véritables compagnons de route, luttant dans l'atelier central contre les staliniens.

 

 

Photo de Louis Fontaine, dans l'usine d'armement au Maroc

Dans "Les camarades des frères"

De Sylvain Pattieu

Le reflux

Le reflux est aussi et surtout une conséquence de la démoralisation qui a suivi le coup d’Etat à froid de De Gaulle et la défaite sans combat en 58 (13 grévistes au LRBA : 5 PCF + 8 PCI - tous CGT). La communauté allemande jusque là silencieuse, hésitante, commence à prendre beaucoup plus d'assurance. Le climat leur est favorable : De Gaulle veut plus d'autonomie par rapport aux USA, il augmente les crédits de la recherche militaire, il rencontre Adenauer… ils ont commencé à relever la tête. Roland raconte : « un jour de 1960,  mon responsable, un Allemand nommé Habermann, m'a fait appeler dans son bureau, pour se plaindre du discours de Camille qui, en tant que secrétaire de la CGT, en Assemblée générale du personnel à la cantine, avait souligné la situation privilégiée des Allemands et incité les travailleurs à revendiquer de meilleures conditions. Devant ma confirmation des propos de Camille, ça n'a guère traînée.  Camille a été déplacé sur le site de la Soufflerie, dans un tunnel souterrain de tir, enfermé à chaque reprise du travail pour des « raisons de sécurité » (doublement réelles!), avec l'interdiction absolue pendant ses heures de délégation de rentrer dans tous les bâtiments sensibles de l'usine, c'est-à-dire presque tous sauf les bâtiments annexes. Quelque temps après, je subis le même sort avec mon camarade Jean, déplacés dans l'ancienne chaufferie réaménagée pour nous spécialement, lui en mécanique et moi en électronique, avec les mêmes interdictions pendant nos heures de délégation. Bocquet contrôlait les pièces mécaniques, et moi je contrôlais les pièces détachées électroniques du commerce que les techniciens commandaient à l'extérieur. La vie devînt de plus en plus difficile pour nous, dans l’indifférence générale. Camille n'a pas  pu résister longtemps à ce régime, et lentement il a abandonné toutes ses responsabilités pour se consacrer à l'éducation de ses deux  enfants. La solidarité avec la Révolution algérienne a occupé une grande part de mon temps pendant que Jack a consacré l'essentiel du sien à l'activité syndicale[10] ».

Camille arrête donc de militer politiquement dès 59-60 (même s’il garde des mandats de représentant du personnel jusqu’en 63). Jack en a dit que c’est quelqu’un qui poussait les autres en avant sans se mouiller beaucoup lui-même. Roland considère qu’avant même la « mise au placard », une des raisons qui l’a amené à prendre ses distances, c’est qu’il n’était pas d’accord avec le travail de solidarité avec les Algériens : « c’est du boulot de bonnes sœurs ! », avait-il lancé un jour. C’est que le travail anti-militariste classique dont il était un spécialiste à l’époque de la guerre mondiale n’était plus à l’ordre du jour dès lors que le mouvement ouvrier n’avait ni su, ni voulu s’appuyer sur le mouvement spontané de révolte et de blocage des trains pour empêcher le départ du  contingent en Algérie…  

 

Le travail Algérie, c’est par exemple un dimanche de 1960, où Roland charge dans sa voiture, avec Jean, machine à écrire, ronéo, pots de peinture et pinceaux, colle, affichettes et papier, ils embarquent à Evreux un contact étudiant donné par la structure nationale de "Jeune Résistance"  et ils partent en expédition pour l’université de Caen. Ce garçon met à leur disposition la  chambre d'un autre étudiant, ils y adaptent le tract national JR en fonction des indications qu’il leur fournit. Jean part distribuer à l’'intérieur de l'Université fermée. Ils écrivent sur un  mur jaune  tout neuf "GREVE AUX ARMEES JR » en lettres noires de 1,50 mètre de haut. Puis collage aux endroits sensibles de la ville avant de rentrer...

 

Mais dans le même temps, le rayon d’action de la cellule s’étend à la vallée de la Seine. A Mantes, c’est Lucien Fauchereau, un ouvrier de la cimenterie, ancien de la Fédération Communiste libertaire, qui a été gagné. Dans la région rouennaise, le contact a été renoué avec un cheminot de Sotteville qui avait pris contact avec le PCI après la guerre, Charles Marie, dont le pseudonyme fut « Cadot » au Comité Central.  Au PSU, il s’est lié entre autres avec des journalistes de Paris-Normandie. Son fils, compagnon de route du PCI, sera intégré dans le travail d’aide à la Révolution Algérienne.

 

 

 

 

 

Des réunions ont lieu en gros tous les mois, auxquelles participent au moins Bocquet, Fontaine et Vacher et quelquefois Houdet. Jack se souvient d’actions de collage de « la Vérité des travailleurs » de nuit sur les quais, avec mille précautions, pour s’adresser au bastion syndical et ouvrier des dockers… C’est chez un ancien directeur d’école en disponibilité pour maladie, romancier à ses heures[11], Pierre Mania, qu’on se réunit. Chez lui comme chez Lucien, du matériel d’impression clandestin est installé. C’est Roland qui fait le rapport politique. Comme membre du BP, il se rend en voiture aux réunions à Paris presque tous les samedis après-midi. Quand il n’y avait pas de réunion de « cellule vallée de Seine » à brève échéance, Charles Marie venait le dimanche après-midi chez Roland pour être tenu au courant. Roland ne consacrait guère de temps à sa femme et à son garçon, et les relations étaient tendues. La cellule « vallée de Seine » ne continue pas à fonctionner après la fin de la guerre d’Algérie.

 

L'adhésion au PSU

En 62, la cellule de Vernon demande son adhésion collective au PCF qui refuse. Le rédacteur du supplément départemental à « l’Humanité dimanche »  du 1er juillet s’étrangle d’indignation : «ce groupuscule qui n’hésite pas à employer une phraséologie révolutionnaire pour empêcher toute action immédiate «. Houdet, Vacher, Bocquet et quelques autres influencés par eux entrent ensemble au PSU, où ils rejoignent la tendance « socialiste révolutionnaire » (SR), animée par des membres du PCI comme Michel Lequenne et Albert Roux, et aussi par nombre d’anciens du mouvement trotskyste comme Yvan Craipeau et Claude Pennetier.

 

 

 

 

   Deux délégués « lutte de classe » au congrès de la Fédération nationale des travailleurs de l’Etat de 1962

 

Dès le premier congrès fédéral à Louviers, ils se
 heurtent violemment à Mendès France, « patron du département », qui, alors qu’il était au gouvernement en 1954 au début de la guerre, a organisé la répression en envoyant les premières troupes en Algérie.

Ancien du parti radical, il représente la droite du PSU et  arrive avec son paquet de cartes : Quand les trotskistes l’interpellent: «Nous on a des copains qui dérouillent là-bas en ce  moment ! ». Il n’a rien à répondre.

La section de Vernon du PSU compte une quinzaine de membres. Le secrétaire, Denis Fimbel, est métreur dans le bâtiment, militant CGT venu au PSU par  le journal « Tribune du communisme »[12], il voit arriver les trotskystes avec sympathie et rejoindra bientôt non seulement le courant socialiste-révolutionnaire du PSU, mais la IVème Internationale en 63 (suivi par un jeune d’origine polonaise, qui travaille alors aussi dans le bâtiment et deviendra une figure des cheminots révolutionnaires de Rouen, Henri Obrevski[13]). Avide d’apprendre, dynamique, il est la cheville ouvrière de l’activité et représente les SR dans les instances départementales du PSU, ce qui lui coûte énormément[14]. De septembre 62 à mai 64,  la vie de la section est rythmée par le travail autour de la feuille mensuelle à destination des entreprises : « La Commune », réalisée en liaison avec le réseau des feuilles du courant SR qu’organise le vétéran André Calvès[15]. Celui-ci vient d’ailleurs à Vernon chez un Breton comme lui, Pierre Perronne, expliquer la technique de « l’écho de boîte » : comment à partir d’un petit fait développer tout un raisonnement politique en quelques lignes. Jack, qui maîtrise très vite cette technique, se souvient d’avoir vu cet extraordinaire conteur vider une bouteille de calva tout seul en une soirée, tout en démontrant que si on veut vraiment gagner un franc d’augmentation, un franc qui dure, il faut l’échelle mobile des salaires, et pour obtenir ça, il n’y a pas d’autre moyen que de faire la révolution…

Le bulletin, tiré sur une vieille ronéo chez Jack, puis chez un sympathisant qui travaille à l’entretien, Pallois[16],  est alimenté par des informateurs (dont des Algériens) qui donnent des tuyaux et diffusent des petits paquets à l’intérieur des usines. Il est distribué à 2 ou 3000 exemplaires -selon les infos- en particulier à la Samm, chez Lanctuit, chez Wonder (un militant PSU y est contremaître), Jacquet, Bata, la Fonderie Paris-Seine et bien sûr à l’entrée du LRBA par les militants eux-mêmes. A leur sortie du PSU fin 64 quand le parti se « droitise »,  la section décide de se dissoudre, le nouveau bulletin « le Militant » n’aura que deux numéros puis sera arrêté[17].

La fin de la guerre d’Algérie a donc ouvert une nouvelle période marquée par des difficultés croissantes. Un certain nombre d’Algériens avec lesquels des liens de solidarité avaient été crées sont rentrés au pays ; les cadres du FLN avec lesquels un travail était engagé ne reculent pas devant la violence et la calomnie pour tenter de discréditer les militants français auprès des travailleurs algériens, au motif que ceux-ci sont favorables à la radicalisation et soutiennent de façon critique les mesures de Ben Bella qui vont dans le sens de l’autogestion socialiste.

 

La scission

Dans le PCI, ceux qui pensent qu’Alger devient le siège de la révolution mondiale s’organisent pour débarquer la direction majoritaire de l’Internationale représentée en France par Pierre Frank-Michel Lequenne. Roland vit mal les tensions très vives qu’il subit chaque semaine au BP, mais fait son possible pour en préserver Vernon. Il se trouve que Jean Bocquet, élu plus tard au CC après le départ de Roland de Vernon, est gagné aux positions « pablistes », et l’ambiance commence à s’en ressentir. S’y ajoute un épisode personnellement douloureux : Jean est revenu d’Algérie malade, il doit être opéré et demande à Roland de prendre soin de sa famille. Alors que les liens militants et d’amitié étaient forts, à son retour, Jean donne crédit à des rumeurs selon lesquelles Roland aurait tenté de « profiter de la situation ». Celui-ci tente de se disculper, mais  il ne sera pas entendu. C’est un des éléments qui fera basculer Roland dans une dépression profonde dont il mettra plusieurs années à se remettre. Il part en 64 à Briançon pour se soigner sur décision du médecin du travail de l’entreprise, démissionne du PCI et quitte le LRBA et Vernon pour la région parisienne en 65, travaille dans diverses entreprises et reprend une formation professionnelle. Il ne renoue avec l’action militante qu’en 1968 à l’Alsthom de Saint Ouen dans les rangs de la Ligue Communiste[18].

 

1968: une nouvelle période s'est ouverte

Il n’y a plus de cellule du PCI. Jack Houdet et Jean Bocquet gardent des relations correctes, animent le syndicat ensemble, dirigent les grèves de mai 68 à Vernon. 12 nouveaux syndicats CGT sont crées. Jack est élu secrétaire de l’UL CGT en septembre lors d’un congrès où chaque syndicat désigne au moins deux membres à la commission administrative, provoquant la rage de l’Union départementale[19]. Il a par ailleurs le plaisir de se trouver à l’unisson avec sa plus jeune fille Véronique, employée à la Sécurité Sociale où elle est entrée à 16 ans,  et qui sera militante avec lui pendant plusieurs années. Bocquet, qui a gardé le contact avec la TMRI (l’organisation « pabliste »), a assisté au renouveau du « courant Frank » à partir de 67 autour du Comité Vietnam avec des jeunes qui étudient à Rouen (Jean-Claude Mary,[20] Michel Verrier[21],  et surtout José Pérez[22]). Jack vit cette période avec enthousiasme. Marie-France Ordonez se souvient d’un imposant bonhomme  qui, sur le marché lors d’une initiative de l’important « Front de Solidarité Indochine », attendait de pied ferme les gros bras du député UDR Tomasini, un manche de pioche à la main. Elle se souvient plus encore d’un « intello » ( !) qui ne parlait pas beaucoup, mais qui impressionnait les jeunes par l’étendue de ses connaissances et la pertinence de ses interventions.

Une nouvelle génération arrive

En 70, Jack et un jeune de l’entreprise de 19 ans, sympathisant de la Ligue et syndiqué CGT, Dominique Rousseau[23], sont frappés d’une mise à pied : ces « travailleurs de l’Etat dépendants du ministère de la défense » avaient été contrôlés en train de coller en ville une affiche de soutien à trois appelés du contingent emprisonnés pour activité anti-militariste. Il y a un troisième larron, Floréal Ordonez-Aurioles, jeune métallo de nationalité espagnole, qui risque de ce fait l’expulsion, ainsi que sa mère … L’UD CGT refuse tout soutien, ce qui n’a rien d’étonnant, seul le syndicat du LRBA est à leurs côtés, en particulier lors d’un meeting en ville. Mais Jack vivra mal le fait que Jean Bocquet ne soit pas présent à la manifestation qui se rend du centre-ville à la caserne, ni au procès à Evreux qui voit 1000 personnes manifester devant le tribunal, avec en tête Krivine et le député PSU Rocard bras dessus-bras dessous[24]. C’est essentiellement grâce à la mobilisation extérieure que  Houdet et Rousseau sont réintégrés (avec perte d’un échelon), et qu’Ordonez n’est pas inquiété davantage. Secoué, celui-ci tourne définitivement la page, tandis que D.Rousseau continue lui à militer, mais au syndicat uniquement ; il y prend même des responsabilités. Jean Bocquet, jusqu’à ce qu’il obtienne sa mutation pour le midi en 75, fait partie de l’équipe dirigeante sur une base plus conciliante à l’égard du PCF et du Programme Commun d’Union de la Gauche que Jack, qui lui reprochera par exemple vivement cette prise de position du syndicat: « c’est la première fois que le capital se verra face à une opposition structurée sur la base d’un programme commun à plusieurs organisations ». Jack refuse de se présenter au  Conseil syndical à partir de 72. Il restera profondément marqué par cette période. L’attitude de ses camarades à ce moment restera toujours la pierre angulaire de son jugement sur eux, même quand ils évoluent, après 81 notamment. Sur un autre plan, il a particulièrement mal vécu les illusions propagées par une partie des dirigeants  de la jeune Ligue Communiste (en particulier… Gérard Filoche) lors de l’adhésion d’un vétéran du PCF, Gilbert Hernot. Montée en épingle, elle a donné lieu à un tournée nationale de meetings et à une brochure orientée « contre la fraction du PCF dans la CGT », car prévaut la conviction triomphaliste que cette affaire doit servir de bélier pour détacher du PCF les « pans entiers» qui ont compris la trahison de leur parti en 68. Il s’agit, par une campagne dynamique, de leur donner ainsi confiance en la capacité de la Ligue Communiste à les accueillir[25]. Jack a eu le sentiment amer de ne pas être écouté, alors que son expérience et quelques tests pratiques (distributions sur les marchés de la vallée de l’Andelle, censée être « le bastion rouge » de Hernot) lui ont permis de comprendre  tout de suite que Gilbert était déjà un homme brisé par l’appareil, déformé par son fonctionnement et sans base locale à la fois consistante et capable de tenir le choc.[26] Malgré tout, Jack reste très actif, comme en 71 lors de la  lutte contre le transfert à la Société Européenne de Propulsion, donc au privé, des activités propulsion à ergols liquides du LRBA. Elle sera finalement perdue et l’entreprise scindée en deux, cela ne sera pas sans effets sur le moral des plus combatifs. Mais, comme si c’était une évidence, les propositions d’organisation des marxistes-révolutionnaires[27] sont hégémoniques dans la CGT et emportent l’adhésion du personnel : assemblées générales élisant un comité de 70 délégué-e-révocables (un pour 20), qui désigne un bureau….

La section de la LC, avec son cercle ouvrier « La lutte continue » et son «Cercle rouge lycéen»[28], connaît un fort développement (16 membres et 2 cellules en 71, tract mensuel sur 5 entreprises). Au lycée, en 68-69, l’administration croit avoir trouvé une bonne raison  de se débarrasser d’un prof auxiliaire, ancien président de l’Unef de Rouen et dirigeant connu de la LC. Jean-Marie Canu a osé faire lire « Le Mur » de Sartre à ses élèves de BEP; la cité scolaire entière s’embrase pour 8 jours d’occupation avec piquet jour et nuit, les externes viennent dormir à l’internat. J.-M. Canu est réintégré, muté, c’est une victoire. Marie-France Ordonez[29], une de ses élèves (dont la « lettre ouverte à Sartre », publiée dans Le Monde, a joué un rôle dans ce succès), se souvient que leur bulletin ronéoté « l’apprenti enchaîné » se vendait à 70 exemplaires chaque semaine. Elle n’est pas la seule enfant de réfugiés politiques espagnols à vibrer à l’unisson du renouveau de la contestation outre-Pyrénées. La contestation, elle  gagne aussi le Foyer de Jeunes Travailleurs, où elle résidera lorsqu’elle aura trouvé un boulot de secrétaire dans une petite boîte,  ainsi que deux lycéennes, Brigitte Stuhec et Maryvonne Kériel[30], qui multiplient les débats informels et les invitations à participer aux manifs, à Paris entre autres.

Le recrutement de lycéens continuera sur cette lancée avant de se tarir dès le milieu des années 70[31], tandis que le nombre de militant-e-s et leur influence  décroissent fortement (les jeunes sont contraints de partir pour le travail ou les études, le PS et le PCF s’emparent de l’espace avec les espoirs et la dynamique suscités par le  « Programme commun »)…

A Gisors aussi, la Ligue gagne des jeunes militants (dont deux issus du PCF, dans la foulée de l »l’affaire Hernot »).  Jack est vraiment le grand aîné. Voici ce qu’en dit Jean-Pierre Pallois: « C'était un pragmatique qui n'aimait pas les discussions trop théoriques. Je me souviens que la première chose qu'il m'a apprise c'était qu'un militant révolutionnaire devait être irréprochable dans son activité professionnelle et participer à la construction et l'animation du syndicat sur son lieu de travail. J'ai participé avec lui à de nombreuses réunions de cellule pendant lesquelles il trouvait toujours les mots justes pour nous éviter de tomber dans le gauchisme, penchant très fréquent à l'époque. Un soir, alors que nous devions, après la réunion de cellule, tirer un tract sur la ronéo qui était dans mon appartement afin de le distribuer le lendemain matin, celle ci était tombée en panne. Jack avait alors décidé de la démonter pour ensuite réparer la panne. Nous avions terminé à 3 h du matin... Et il était à l'heure le lendemain matin au travail ! ». A 47 ans, « Henri » est l’un des plus âgés parmi les délégué-e-s au 2ème congrès de la LC qui se tient à Rouen en mai 71. Il est candidat à l’élection législative à Vernon en 73. En 78 il est encore candidat, puis une dernière fois à l’élection partielle de 80. Il est membre de la direction départementale, il est de nouveau quasiment le seul militant à Vernon, la campagne se fait grâce aux renforts venus d’Evreux et de Louviers, où l’organisation a aussi recruté. Il développe encore une grosse activité dans le le très dynamique comité départemental « Union dans les luttes », regroupement national de militant-e-s de toutes origines pour battre Giscard en 81, frontalement contre le PCF qui tire un trait d’égalité entre le PS et la droite, avant de se précipiter au gouvernement. En 82, il est à la manœuvre, à l’unisson avec son syndicat, pour organiser l’occupation du siège du député PS, exigeant que les engagements minimaux pris par ce gouvernement soient tenus. Puis il part à la retraite, déménage pour Gaillon et se met en retrait. La LCR disparaît du paysage jusqu’en 2002, avec les premières adhésions  sur la base de la candidature d’Olivier Besancenot.

 

 

Annexe: Extraits de la notice du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (« le Maîtron ») :

          JANUEL Camille, Claude, dit LAUGEN

Né le 4 décembre 1916 à Saint-Étienne (Loire), mort le 20 juillet 2000 à Saint-Pierre d’Authils (Eure) ; dessinateur ; militant trotskyste.

Fils d’un ouvrier métallurgiste et d’une apprêteuse, il fut employé dès sa sortie de l’école communale à l’ArsenaI de Puteaux (Seine, Hauts de Seine) comme dessinateur. Gagné aux thèses trotskystes, il devint membre du comité provisoire de la Fédération des pionniers rouges fondée le 11 novembre 1936 par Roger Foirier. Camille Januel appartenait également au Comité centrai du Parti communiste internationaliste de Pierre Frank et Raymond Molinier. Il fut incorporé le 1er septembre 1937 au 1er régiment de Strasbourg : un rapport
de police daté du 2 novembre le présentait comme "chargé plus spécialement de la propagande antimilitariste" au sein du PCI.
Fait prisonnier en 1940, il réussit à s’évader de son camp en Allemagne, grâce à l’aide d’
Auguste Caillon, requis comme travailleur, et qui lui passa ses papiers maquillés. L’affaire échoua, puisque Caillon fut arrêté tandis que Januel, qui avait réussi à regagner la France, fut arrêté à son tour lors de sa tentative de passer en zone libre.
Après la Guerre, Januel reprit sa place dans l’organisation trotskyste unifiée, le Parti communiste internationaliste, et se maria le 6 juillet 1946, à Puteaux avec Ingeborg Müzel. En 1950 il se lia avec celle qui allait être la compagne de sa vie, Jacqueline Glas, ex-avocate du barreau de Paris, dont il eut ses deux enfants Frank et Barbara.(…)
En 1952, la scission du PCI l’amène à se ranger dans la minorité dite "pabliste" (majorité internationale), plus par fidélité ancienne avec Pierre Frank* que par conviction de la justesse de la ligne, dite d’"entrisme sui generis", qu’il n’appliquera pas. (…)
Il arrêta de militer politiquement en 1959-1960, garda des mandats de représentant du personnel jusqu’en 63.(…) Il se consacra ensuite à l’éducation de ses enfants.

 

 

Jack Houdet

 

MORT DU VETERAN TROTSKYSTE JACK HOUDET

 Jack est mort le 27 février à l’âge de 93 ans. Ouvrier
ajusteur au LRBA de Vernon, secrétaire-adjoint du syndicat CGT, il adhère au petit Parti Communiste Internationaliste(section française de la IVème internationale) en 1956, avec 5 de ses camarades d’atelier.

 

 

 

 

 

Déjà paru:

-La révolution de 1848 à Rouen et dans ses environs

-Actions et réseaux anticolonialistes à Rouen pendant la guerre d'Algérie

 

en préparation

-les luttes dans le textile et à la SNCF en 1919-1920  dans la région rouennaise, la fondation du PCF, naissance d'une opposition.

 

1968:

nous recherchons des documents et témoignages sur 1968 en hte Normandie

 

 

Notre blog: mémoires du mouvement ouvrier en hte Normandie

https://mmo.blog4ever.com/

Histoire de la bourse du travail à Rouen

Cartes syndicales de la CGT

Création de SUD PTT

action de solidarité à la grève des mineurs en 1963

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]              Il avait grandi à la cité Nathan Meyer , quartier très pauvre de Saint-Marcel (commune attenante à Vernon) où habitaient beaucoup d’Italiens. Confronté au racisme et à l’injustice, il y avait été convaincu par des militant-e-s chrétiens.  Son père avait été responsable des FFI, son oncle maternel membre du Comité central du PCItalien, en prison avec Gramsci, expulsé de France.

[2]« Il n’a pas recueilli toutes les voix lors d’un premier vote à bulletins secrets, les « stals » ayant « barré » son nom, il a par contre fait l’unanimité lors du vote à mains levées, personne ne pouvant voter ouvertement contre lui sous peine de se discréditer aux yeux des autres ouvriers » (voir Sylvain Patthieu « les camarades des Frères», éditons Syllepse, p.67)

[3] Louis Fontaine: « il était droit comme un I. quand il y avait des embrouilles dans l’atelier, c’est son jugement qui l’emportait. C’était le meilleur d’entre nous ».

[4] Houdet, père de quatre enfants, femme au foyer, est  scrupuleusement tenu à l’écart des activités de soutien à la révolution algérienne, car ils sont tous bien conscients de ce qu’ils risquent.

[5]Louis a fait partie des premiers rappelés en Algérie en mai 1956. Voici son témoignage : « On a mis à sac notre caserne à Bruz près de Rennes, les officiers n’en menaient pas large et répétaient qu’ils n’étaient pour rien dans notre rappel, le train a mis 3 jours pour arriver à Marseille, il ne s’arrêtait plus dans les gares pour éviter les manifestations de solidarité, à l’arrivée dans le port d’Alger, on était 5000 à hurler « à mort Lacoste ! ». Il manquait un parti pour donner une perspective à tout ça. Alors les officiers nous ont isolés par petits groupes pour nous dresser. «  Il en revint en avril 57, révolté par le colonialisme et disposé à s’engager pour l’indépendance. C’est ainsi que, gagné par son aîné Jack Houdet, il se joignit rapidement à ses cinq camarades d’atelier.

 

[6] dont rend compte « La Vérité des travailleurs », bimensuel du PCI, voir sur le site de l’association « Radar » http://www.association-radar.org/ (rechercher « Vernon », en particulier dans les n°52, 57, 59, 66).

[7] dans lesquels s’engage en particulier Thérèse Leseul, secrétaire au LRBA, qui a donné bien des coups de main techniques, en particulier pour taper les tracts, et qui toute sa vie est restée « compagne de route » Roland : « Ce cours m'était demandé par Saïd-responsable FLN local- qui bien que ne sachant pas lire nous achetait « la Vérité des Travailleurs »). Nous nous sommes adressés à Luquet responsable du Syndicat National des Instituteurs (SNI), seule sa femme s'est déclarée volontaire, mais il l'en a dissuadée vivement. Alors nous avons décidé de le faire nous-mêmes. Mais le mépris de la civilisation et de la langue arabes était si grand que même les travailleurs algériens croyaient en leur infériorité. Alors j'ai acheté un coffret (avec mes deniers) de disques de dialecte algérien, et avec Jean et Louis, nous avons appris chaque semaine une série de mots et de phrases qui nous permettaient d'animer nos cours hebdomadaires. Il fallait voir leur joie d'entendre le même mot en français et en arabe et parfois écrit en arabe. Les responsables du FLN et de l'AGTA ont su apprécier ce cours si particulier.».

[8] Ainsi en octobre 70, exclusion notifiée par un communiqué dans « Paris Normandie » de Gilbert Hernot, secrétaire départemental à la propagande, secrétaire de l’UL de la Vallée de l’Andelle, délégué confédéral à la « Vie ouvrière »,  pour s’être solidarité avec les « trois de Vernon » et avoir annoncé son adhésion à la Ligue Communiste (voir plus loin) ...

[9]              Quand le local fut découvert par la police en 1960, il partit au Maroc où il fut l’un des organisateurs de l’usine d’armes clandestine montée par la IVème Internationale pour le FLN. Il fit ensuite partie des « Pieds rouges » à Alger, dont l’objectif était  d’enraciner révolution en soutenant le gouvernement Ben Bella. Il avait fait le choix de suivre Michel Pablo dans sa rupture avec la IVe Internationale au sein de la la Tendance marxiste-révolutionnaire internationale (TMRI). En 1965 Lors du coup d’Etat de Boumedienne, il quitta aussitôt son logement et échappa de justesse à la police. Il vécut et milita à Paris, travaillant avec son camarade Gilbert Marquis dans une petite société  « où on avait les coudées franches. En 68 par exemple, on a réussi à imprimer en douce pas mal de choses ». Pour des raisons familiales, il dut par la suite quitter Paris pour le Var où il vécut d’abord de petits boulots, puis y devint facteur jusqu’à la retraite.

 

[10]             Jack racontait qu’il avait passé un congrès national de la Fédération des travailleurs de l’Etat, à ne parler quasiment  à personne, le « cordon sanitaire »  organisé par le PCF étant tel que toutes les chaises autour de lui devaient rester vides. 

[11]il est en particulier l’auteur d’un « camarade Filoche », roman sur la période de l’occupation et de la résistance, et qui aborde l'élimination d'un militant par ses camarades, histoire qui pourrait être celle de Georges Désiré, aujourd'hui réhabilité par le parti, et dont une salle porte le nom à St Etienne Du Rouvray.

[12]             de l’ex-dirigeant PCF Jean Poperen, qui animera un courant « gauche » social-démocrate classique dans le PSU, puis dans le PS  

[13]            Il est revenu à la retraite à Vernon où il est décédé prématurément.

[14]             les réunions se tenaient une fois par mois le dimanche matin à Louviers. Un jour, excédé par l’emprise du radical-socialisme,, il se lève sans un mot et quitte la séance. Dehors, il entend des pas derrière lui : c’est Mendes qui lui court après et lui dit : « Revenez Fimbel, je sais que ce n’est pas facile pour vous d’être minoritaire, mais on ne déserte pas ».   

[15]             voir le site http://andre-calves.org/, rubrique  « les années PSU, le bulletin d’usine « l’étincelle »

[16]             dont le fils Jean-Pierre commence à militer après 68 avec sa compagne Marie-Christine. Le domicile du couple sera le point de ralliement des jeunes. Enseignants en collège technique, ils déménagent à Evreux quand ils y obtiennent leurs postes. Jean-Pierre fut encore candidat du NPA à l’élection législative d’Evreux de 2012, puis candidat sur la liste Front de Gauche aux municipales de 2014. Il est toujours actif à RESF.

[17]             La cellule a alors décidé de faire entrer Denis Fimbel au PCF, car il est le seul à ne pas être connu comme PCI. La méfiance est cependant telle que plus d’un an s’écoule entre sa demande d’adhésion et sa convocation devant le comité de section. Pour des raisons de sécurité, il n’assiste plus aux réunions du PCI, mais il comme il est déboussolé par l’ambiance qui y règne (« dans une réunion à Paris,  j’ai vu traiter P.Frank comme un chien »), et de surcroît accaparé par un nouvel emploi à Paris et des problèmes familiaux, il prend ses distances. Son activité militante se réduit de fait à l’animation du ciné-club de Vernon (350 membres ; pendant la guerre, la projection du film interdit « J’ai 8 ans dans les Aurès » vaut à D.Fimbel deux convocations chez le procureur), puisqu’il n’assistera qu’à deux réunions de cellule PCF avant de déménager pour la région parisienne en… avril-mai 68. Il adhèrera au PS dans le Nord en 74 pour rejoindre Poperen, milite  avec lui dans un rapport critique à Lyon jusqu’en 92, participe encore à la campagne pour le Non au referendum sur le TCE en 2005 dans la Drôme. 

[18]             La cellule Alsthom développe une intense activité, se heurte à l’appareil de la CGT, ce qui vaut à Roland et à un autre camarade d’en être exclu en octobre 1972 à la veille d’une vague de licenciements. Intérimaire pendant dix ans comme câbleur, ajusteur et OS, il devient ensuite  permanent technique » à la fédération de Paris de la Ligue. En 1988, après la campagne présidentielle autour de P.Juquin, il est avec Michel Lequenne* de la minorité qui veut continuer dans cette voie, et se solidarise avec lui lors de son départ. Il collabore toujours étroitement avec lui. Partisan du Front de gauche en 2012, il soutient actuellement la « France Insoumise » de Jean-Luc Mélenchon.

[19]            L’Union Locale sera reprise en main  dès mars par des militants du PCF à grand renfort de manœuvres qui écoeurent de nombreux nouveaux venus. Pour bien faire savoir par qui et pour qui « l’ordre » a été rétabli, l’hebdomadaire de la fédé du PCF étale en première page la résolution adoptée, titrée « la volonté d’unité d’action ne peut s’accommoder de la moindre complaisance avec les groupes gauchistes ».Jack est cependant élu à la Commission Administrative, avec le moins de voix, mais 605 quand même, et 850 seulement pour les protégés de l’UD. Dans la foulée, l’UL retombe dans la stagnation, le congrès suivant, très verrouillé, n’aura lieu qu’en 73..

[20]             Il rompt avec la Ligue suite à son passage à l’armée, est un temps membre du PS, puis des Verts. Conseiller municipal écologiste de Vernon pendant de longues années, il a été réélu sur une liste d’union avec l’ancien sénateur-maire de droite, en opposition à un maire UMP. Il  a animé le réseau « Sortir du Nucléaire» dans l’Eure et a maintenant quitté la région.

[21]             qui deviendra permanent à Rouen, membre du CC, rédacteur à « Rouge » et cessera de militer au début des années 90.

[22]             Etudiant en philo, il exerce différents métiers avant de devenir conducteur à la SNCF au dépôt de Sotteville les Rouen. Il sera l’une des figures d’une grève nationale des roulants, puis du mouvement national de 1995 contre la réforme des retraites où il anima le comité de grève interprofessionnel de l’agglomération rouennaise. Ayant rompu avec la LCR, il anime pendant plusieurs années à Rouen l’«Association pour le Regroupement des Travailleurs » et milite aujourd’hui à Perpignan.

[23]                         Son père, plutôt anar, était déjà un des militants CFTC qui avaient accepté de tirer les tracts de l’AGTA algérienne, clandestine, sur la ronéo de leur syndicat.

[24]             Il est à noter qu’au cours des années 70,  la caserne de Vernon sera touchée au moins trois fois par le développement de comités de soldats, soutenus de l’extérieur par des militants de la LCR. Leur répression donnera lieu à des campagnes de solidarité unitaires sur le département.

[25]             Brochure « le syndicat est l’arme de tous les travailleurs » http://www.association-radar.org/IMG/pdf/10-008-00020.pdf

[26]             Gilbert s’effondre rapidement, sans revenus et sans perspectives. Il reprendra contact plusieurs années plus tard avec la section de Louviers où il avait retrouvé du travail, mais ne réussira jamais à se débarrasser de ses déformations.

[27]             D’après un texte interne, la LC compte alors 6 sympathisant-e-s au LRBA .

[28]             encadré par des  surveillant-e-s et maîtres-auxiliaires qui animent aussi la section syndicale SNES par le biais de la tendance  « Ecole Emancipée »

[29]             elle partira ensuite à Evreux, puis à Louviers. Candidate suppléante LCR  à l’élection législative de 2002 à Vernon, elle est sur la liste NPA-PCF à Louviers en 2014 et anime le « Réseau éducation sans frontières 27 »

[30]             Qui fera plus tard  le « tournant ouvrier » vers la sidérurgie lorraine

[31]             Dans la dernière génération, les frères Frédéric et Dominique Malvaud (le premier qui fut une figure du syndicalisme enseignant combatif puis conseiller régional EELV et fondateur de « Haute Normandie Environnement », le second, qui fut animateur de Sud Rail à la gare Saint Lazare, est maintenant retraité, militant antinucléaire et membre du NPA dans la Drôme), ainsi que Jacques-Louis Perez, instituteur et syndicaliste, dont le parcours est proche de celui de J.-P.Pallois (ils animeront ensemble « Ras l’Front » à Evreux), et Eduardo Ines, devenu inspecteur du travail.




06/03/2017
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